La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 20 février 2018

Ne vous inquiétez pas. Tout est bien.

Marguerite Yourcenar, Anna, soror, 1935.

Nous sommes à Naples, en 1575, alors dominé par l’Espagne. Le gouverneur a une femme douce et silencieuse et deux enfants, une sœur et un frère, bientôt livrés à eux-mêmes. C’est l’amour vécu par ces deux-là qui nous est raconté dans un roman court et sobre, où les personnages se dessinent comme des statues.

Ils communièrent. Les lèvres d’Anna se tendirent pour recevoir l’hostie ; Miguel songea que ce mouvement leur donnait la forme du baiser, puis repoussa cette idée comme sacrilège.

J’ai d’abord aimé cette évocation du Naples ancien (oui, j’ai envie d’y retourner), avec son petit peuple, ses riches églises, sa campagne en proie aux fièvres. Les portraits du frère et de la sœur sont étonnants : peu de psychologie intérieure et pourtant leur âme nous semble disséquée. Ils agissent devant nous avec précision, silhouettes déterminées et bien découpées. Le lecteur reste à l’extérieur pourtant de leurs émotions.
C’est une belle langue un peu froide, maîtrisée, sans hasard de l’écriture, et pourtant pleine de passion. Je suis frappée par le rythme très harmonieux des phrases.

Luca Giordano, Le Martyre de Saint André, vers 1650, Ottawa BA
Certains jours, passant outre aux interdictions de Donna Valentine, Miguel se levait à l’aube, sellait lui-même son cheval, et se lançait à l’aventure très loin dans les terres basses. Le sol s’étendait noir et nu ; des buffles immobiles, couchés par masses sombres, semblaient dans l’éloignement des blocs de rochers dévalés des montagnes ; des monticules volcaniques bossuaient la lande ; le grand vent passait toujours.
  



4 commentaires:

miriam a dit…

Naples! moi aussi j'ai envie d'y retourner!

nathalie a dit…

Qui n'aurait pas envie ? Je n'y suis allée qu'une seule fois et c'était il y a des années.

Lili a dit…

C'est précisément cette apparente contradiction entre l'extrême maîtrise de la langue et la passion qui s'en dégage qui fait toute la beauté et le génie de Yourcenar, je trouve <3

nathalie a dit…

Tout à fait !