La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 14 novembre 2017

Bredouiller ; répondre. Bredouiller ; réopndre.

Arno Schmidt, Tina ou de l’immortalité, traduit de l’allemand par Claude Riehl, parution origiale 1958, édité en France chez Tristram.

Le narrateur, qui n’est autre qu’Arno Schmidt, est abordé par un prétentieux en loden vert. Hop, le voici embarqué dans un monde souterrain (où habite la chaleureuse Tina) : ici restent actifs tous ceux qui sont morts, mais dont les noms continuent à être lus sur Terre. L’immortalité, c’est long alors que tout le monde n’aspire qu’à plonger dans le néant. Ici, les lecteurs sont une plaie, les biographies une calamité, les archivistes une catastrophe et Arno Schmidt, l’homme à la mémoire vertigineuse un mauvais farceur ! Cette exploration de l’immortalité est bien sûr pleine d’humour, de sexe (ah la chaleureuse Tina) et de moments plus scatologiques (le malheureux ayant mangé des lentilles).

Clic ! : une belle lumière toute rouge sombre. Nous nous tenions poitrine contre poitrine dans cet espace exigu ; lorsqu’elle leva les yeux ils produisirent un bruit très doux (ou était-ce une illusion ?). Sa longue bouche noire flottait immobile devant moi.

Cette façon de prendre le contrepied du discours habituel sur la littérature et la lecture est tout à fait rafraîchissante. C’est extrêmement drôle et brillant, divertissant, potache et érudit tout à la fois, comme toujours chez Schmidt.
Avouons aussi que le texte est beaucoup moins rageur que d’autres et plus détendu me semble-t-il.
En tant que présidente de VendrediLecture, je sens que je contribue grandement à la dure immortalité de pauvres auteurs n’aspirant qu’à l’oubli. Et en tant que blogueuse…
Zadkine, Tête de femme, 1924, musée Zadkine.
« Bin, vivez voir quelques siècles ! – Nietzsche en est revenu de son "éternel retour", et pas qu’un peu : il en a plein le tarin depuis longtemps ! » / « Ah, vous n’avez pas idée de tout ce qui peut arriver ! Abstraction faite des palimpsestes ou des lectures conjecturales : nous avons des cas d’imprudents qui à une heure funeste ont seulement inscrit avec fierté leur nom de propriétaire dans un livre précieux, du style Manesse – et déjà il est mûr, aussi longtemps que la pièce rare restera choyée.


Ce court récit est suivi d’un essai de Claude Riehl, Arno à tombeau ouvert. C’est une chance parce que les textes en français sur l’auteur ne courent pas les rues. C’est très intéressant, d’autant qu’il présente plein de romans que je n’ai pas encore lus et sur lesquels je vais me précipiter.

Tristram est l’éditeur fou de Mark Twain, d’Arno Schmidt et de Laurence Sterne (entre autres). C’est aussi l’éditeur de novembre pour Un mois, Un éditeur. À lire !

Arno Schmidt sur le blog :

4 commentaires:

keisha a dit…

Pour cet Un mois un éditeur, j'ai tenté de lire cet auteur, hélas hélas, trop compliqué, j'ai feuilleté un autre de lui à la bibli, ça avait l'air du même tonneau. Pourtant le passage que tu cites m'a l'air plu aisé à lire. je m'interroge.

nathalie a dit…

Les plus faciles à lire sont celui-ci et aussi Alexandre ou qu'est-ce que la vérité ... Après c'est une sorte de magie. Les italiques donnent une sorte d'énergie et lancent le paragraphe et après il y a la logorrhée du narrateur qui délire et raconte en même temps. À un moment donné, ça prend et tu adores.

Sandrine a dit…

Comme Keisha, je ne me sentais pas de taille... par contre, je ne pensais pas qu'Arno Schmidt pouvait aussi être drôle à ce point...

nathalie a dit…

Si c’est très drôle, ironique et décapant. Il ne faut pas hésiter à relire les passages ou à les lire à haute voix.