La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 13 octobre 2017

La richesse du soleil doré déversait une chaleur épuisante et pourtant très réconfortante sur la maison.

Francis Scott Fitzgerald, Un diamant gros comme le Ritz, nouvelles traduites par Marie-Pierre Castelnau et Bernard Willerval, parution originale entre 1920 et 1962.

Des nouvelles belles comme des diamants !
Je suis épatée par ce recueil qui rassemble, il faut le dire, les meilleures nouvelles de Fitzgerald, parues à leur époque dans des revues séparées ou rassemblées ici comme un feu d’artifice (oui, oui). La première, Un diamant gros comme le Ritz, est de dimension fantastique et mêle conte oriental et roman d’apprentissage américain, mais recèle en elle les thématiques principales de l’ensemble des nouvelles. De jeunes hommes essaient de rencontrer de jeunes femmes ou l’inverse (car oui, les hommes écrivent aussi des histoires d’amour), des mariages se décident et se déchirent. Il y a aussi beaucoup d’argent en jeu, car il est question de riches familles, de jeunes gens faisant fortune à force de travail, de la crise économique de 1929. Chacun envisage de mettre le pied parmi la société des riches, avec le champagne, les soirées, les grandes écoles.

- C’était un rêve, dit John avec calme. Pour tous, la jeunesse est un rêve, une forme de folie.
- Comme c’est agréable d’être fou, alors.
- C’est ce que je croyais, dit John avec mélancolie. Je ne sais plus maintenant. Peu importe, aimons-nous quelque temps, un an peut-être, vous et moi. C’est une forme d’ivresse divine que nous pouvons tous connaître. Il n’y a que des diamants sur terre, des diamants et peut-être le triste pouvoir de la désillusion. Celui-là, je le possède et je n’en fais pas grand-chose.

Il est aussi question du Sud. Les nouvelles les plus anciennes se situent 60 ans après la fin de la guerre de Sécession. Là-bas, l’air est doux, les jeunes filles plus séduisantes, d’anciennes grandes maisons se tiennent toujours là, les Noirs sont toujours en arrière-plan – mais la fortune est en train de changer de main. Les grandes villes de la côte Est sont en train d’imposer leur domination. Les anciens planteurs seront peu à peu supplantés par ces jeunes gens entreprenants des grandes villes et c’est tout un monde qui bascule.
Et beaucoup, beaucoup, beaucoup d’alcool. Et des hommes qui essaient de moins boire.
Bien sûr, on trouve beaucoup d’échos à la biographie du couple Fitzgerald dans tous ces portraits.
Et du jazz.
Guy Pène du Bois, M et Mme Chester Dale au restaurant, 1924, NY, Met.

Il n’y avait pas de ciel, mais seulement une tente sombre et menaçante qui servait de toile de fond aux extrémités des rues et n’était en réalité qu’une immense armée de flocons de neige, et au-dessus de tout cela, écartant la chaleur qui rayonnait des fenêtres où se jouaient des reflets verts et bruns, et étouffant même le trot régulier des chevaux qui tiraient les luges, le vent du nord sifflait interminablement.

Et pourquoi une telle réussite ? Ce sont plutôt de longues nouvelles et Fitzgerald retranscrit avec précision tous les troubles qui agitent les personnes. C’est une société conservatrice, mais qui vit pourtant une apparente libération. Les hommes qui reviennent de la guerre en 1918 et les années suivantes sont les héros des bals où se rencontrent les jeunes filles les plus belles et les plus pures. Je dois dire que la lectrice que je suis n’a pas toujours bien compris les subtilités du code de conduite de ces soirées (c’est un peu loin de nous tout ça), mais cependant l’auteur parvient à traduire la tension, les ambitions rentrées, la frustration, les désirs qui animent tout ce petit monde.
Malgré les danses et l’alcool, le ton est empreint d’une grande mélancolie, car si jeunes, ils connaissent déjà tous les désillusions de la vie et expriment leur désespoir et leur solitude (ce qui n’est pas sans rappeler Gatsby). Et pourtant ils ont de l’énergie, un attrait pour la vie, pour repartir de zéro, travailler et conquérir les femmes, et imposer leur réussite sociale. C’est un monde où on se déchire à belles dents, mais où la tendresse affleure pourtant souvent. Les sentiments contradictoires se mêlent donc d’une façon très fine, et c’est la très grande réussite de Fitzgerald.

Toute l’éternité – sa vie et la sienne. Mais pendant un instant, en l’embrassant, il se rendit compte qu’il aurait beau fouiller toute l’éternité, jamais il ne pourrait retrouver ces heures perdues en avril. Il pourrait la serrer maintenant jusqu’à ce que les muscles saillent sur ses bras – elle était une chose désirable pour laquelle il avait combattu, elle était une chose rare et précieuse qu’il s’était appropriée mais jamais plus ces murmures ineffables dans l’obscurité, ni dans la brise de la nuit… jamais plus.
Tant pis, pensa-t-il, oublions cela ! Avril n’est plus, avril n’est plus ! L’amour du monde est fait de tant d’amours ! Mais on n’aime jamais deux fois de la même façon.

Je ne lirai sans doute pas toutes les nouvelles de Fitzgerald et je crains qu’Accordez-moi une valse de Zelda ne soit trop autobiographique. Ce sera pour plus tard.
Fitzgerald sur le blog :
Gatsby le Magnifique - magnifique, à lire et à relire !
L'étrange histoire de Benjamin Button et La Lie du bonheur - ce sont deux nouvelles.
Tendre est la nuit - vous pouvez oublier.
Le dernier nabab - oui, c'est Hollywood, c'est trop bien.

Biographie du couple Fitzgerald par Kendall Taylor



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