La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 13 septembre 2017

Mais rappelle-toi, John : tu n’es qu’un nègre.

Rire enchaîné. Petite anthologie de l’humour des esclaves noirs américains, textes traduits et présentés par Thierry Beauchamp, édité en 2016 par Anacharsis.

Est-ce que le titre ne dit pas tout ? Ce recueil rassemble des textes d’humour qui circulaient clandestinement parmi les esclaves noirs américains, avant la guerre de Sécession, textes qui ont été mis par écrits, édités et traduits. Ces récits proviennent de l’intérieur des plantations du Sud et non des intellectuels abolitionnistes.
Il ne s’agit pas ici de franche rigolade, mais plutôt de contes satiriques, de petites scènes acides, pleines de non-dits. On y joue des clichés sur les esclaves – menteurs, lâches et paresseux – aux dépens des maîtres blancs, qu’ils soient bons ou méchants. Ces contes ont aussi des allures de fables, même si la morale peut être du côté du plus fort, et puisent quelquefois à un fonds commun à bien des cultures (l’un des contes se trouve ainsi sous une autre version parmi les Contes d’Andersen). Ce sont souvent des duperies tentées par l’esclave pour ne pas avoir à travailler, pour ne pas avoir à se battre ou pour faire grogner le maître.
L’humour est l’arme utilisée par ceux qui ne peuvent pas se révolter. C’est un recueil très instructif, au ton souvent ironique.
 
Benton, Cueilleurs de coton en Georgie, 1928, NY Met, M&M.
Quand des éclairs zèbrent le ciel, c’est signe que les anges se regardent dans leurs miroirs, et quand le tonnerre gronde, c’est signe qu’ils roulent les tonneaux d’eau de pluie, et quand il se met à pleuvoir, c’est qu’un ange maladroit a renversé un tonneau.
Un jour, une grande fête s’annonçait au paradis et les anges avaient tous revêtu des vêtements neufs et, comme ils s’admiraient dans leurs miroirs, il y avait des éclairs partout dans le ciel. Le bon Dieu demanda aux anges d’apporter des tonneaux d’eau de pluie et le tonnerre se mit à gronder d’est en ouest. Bien sûr, les anges maladroits renversèrent quelques tonneaux et il ne tarda pas à pleuvoir des cordes.
Une terrible inondation ravagea un patelin nommé Johnstown et tant de gens se noyèrent qu’on se serait cru le jour du Jugement dernier.
Certains noyés allèrent au Ciel et d’autres pas. Et, comme vous le savez, il faut un nègre dans chaque histoire et l’un de nos frères noyés au cours de l’inondation monta aux cieux.


2 commentaires:

Ingannmic, a dit…

J'ai hésité à l'acheter, lors d'une visite au stand des Editions Anacharsis dans un salon... je regrette un peu, maintenant (mais juste un peu, je peux toujours me rattraper en librairie...)

nathalie a dit…

Je l'ai acheté à la boutique du Musée de l'homme à Paris ! le hasard fait que je suis tombée dessus.