La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 31 mars 2017

Et c’était fini, il se sentait lié, marié, en vingt paroles.

Guy de Maupassant, Pierre et Jean, 1887.

Un petit grand roman, comme souvent chez Maupassant.

Le livre s’ouvre par une partie de pêche, au large du Havre. L’histoire se passe au sein de la famille Roland, un bijoutier en retraite, doté d’une charmante femme et de deux fils, Pierre et Jean, un brun impulsif et un blond tout doux. Un héritage arrive et vient tout compliquer, en entraînant la joie, la jalousie, la suspicion. Le tout, avec une jolie veuve dans les parages.

« Vous avez cependant fait une belle pêche. » Mais son mari remuait la tête pour dire non, tout en jetant un coup d’œil bienveillant sur le panier où le poisson capturé par les trois hommes palpitait vaguement encore, avec un bruit doux d’écailles gluantes et de nageoires soulevées, d’efforts impuissants et mous, et de bâillements dans l’air mortel.

Encore une fois, Maupassant nous raconte une histoire simple et cruelle. Celle d’une famille ordinaire, où la femme aime rêvasser tandis que le mari est un balourd, où les enfants s’aiment en ne se supportant pas. Un mort et l’arrivée de l’argent bouleversent les projets et les situations, font en sorte que chacun se voit contraint de réfléchir sur ses liens familiaux et examinent d’un œil neuf ceux qui l’entourent (sauf le père qui a un bon sens plein d’évidence). L’auteur plonge dans le huit clos d’une petite famille, sur les moments de tension – les repas – et sur les lieux de torture et d’apaisement – la chambre. Chacun se révèle plus complexe que prévu, le doux capable de résolu, l’impulsif en quête d’affection. Bien sûr, finalement, rien ne se passe comme on aurait pu l’attendre ou comme un esprit bourgeois aurait pu l’envisager.
Boudin, La Plage à Trouville, 1865, Princeton University Art Museum, M&M.
Maupassant se livre à une très fine analyse des émotions, des sentiments, des personnalités, des contradictions intimes, des espoirs déçus mais jamais oubliés : c’est un maître !
Je note l’utilisation des sirènes des bateaux dans un but résolument expressif – car le paysage des villes reflète lui aussi l’âme des personnages.
Un plaisir de lecture.

Elle avait un air calme et raisonnable, un air heureux et bon qui plaisait à voir. Selon le mot de son fils Pierre, elle savait le prix de l’argent, ce qui ne l’empêchait point de goûter le charme du rêve. Elle aimait les lectures, les romans et les poésies, non pour leur valeur d’art, mais pour la songerie mélancolique et tendre qu’ils éveillaient en elle. Un vers, souvent banal, souvent mauvais, faisait vibrer la petite corde, comme elle disait, lui donnait la sensation d’un désir mystérieux presque réalisé. Et elle se complaisait à ces émotions légères qui troublaient un peu son âme bien tenue comme un livre de comptes.

L’avis d’Alfie.

2 commentaires:

Miss Alfie a dit…

C'est étrange... Je viens de relire mon avis, et je ne me souviens quasiment pas de moi émotion de lecture... À voir si Maupassant est un auteur qui me convient réellement...

nathalie a dit…

Tu avais aimé sur le moment, mais l'histoire est d'une grande simplicité, basée sur la psychologie, c'est peut-être pour ça qu'il n'en reste pas grand-chose.