La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 4 décembre 2015

La peur est un immeuble : on la voit de loin.

Diego Vargas Gaete, L’Extinction des coléoptères, traduit de l’espagnol (Chili) par Julia Cultien, édition originale 2014, édité en France à L’Atelier du Tilde.

Petit roman très original qui raconte l’histoire étrange du Chili.

Au début du roman, Silvana Kunz est à la laverie et s’énerve contre la machine qui fonctionne mal. Un court-circuit électrique et hop, c’est fini. Mais en réalité tout commence. Nous allons en effet parcourir l’histoire de la famille Kunz, depuis l’arrivée du grand-père d’Allemagne jusqu’à la vie de la fille de Silvana (oui), alors même que celle-ci voyage à travers l’univers flottant de la mort. L’argent venu d’Allemagne, lui aussi, un sous-sol mystérieux, une fortune agricole, les affres d’une famille et d’un pays. Puis nous passons à la famille de l’agent d’entretien de la propriété des Kunz, qui ne semble guère mieux. On croise beaucoup d’insectes, avec leurs noms latins, qui se posent ici ou là, et une mystérieuse collection de pénis en plâtre.

- Les plantes émettent une aura, une vapeur qui les enveloppe, signala Ferdinand.
Silvana pensa que son père avait une fois de plus bu un peu trop et elle lui proposa de retourner à la maison.
- Tu ne comprends pas, murmura l’agriculteur. Papa Harald m’a appris à reconnaître quand c’est la bonne graine ou quand il vaut mieux repartir de zéro.
- Papa, il est tard, rentrons.
Chaque chose en son temps. Bientôt tu sauras voir cette vapeur laiteuse que dégagent les bonnes graines, dit-il en fixant son regard sur le ciel noir.
César, Compression de cageots, 1976, MAC Marseille.
En dépit de l’entrecroisement des personnages et des périodes, le livre se lit très facilement. C’est autant le portrait d’individus et de familles ravagés que celui d’un pays dont on se demande ce qu’il peut être, ainsi constitué. J’ai notamment apprécié le fait que de nombreux mystères ne sont pas éclaircis et que les éléments les plus improbables prennent peu à peu l’allure d’évidences incontournables. Le fantastique ou la simple fantaisie s’imposent avec leur clarté propre, c'est un grand plaisir à la lecture.

Ses pas s’enfoncent dans la boue tandis qu’elle marche en direction d’une plaine semée de blé. Les épis se meuvent dans l’effet du vent qui porte avec lui le parfum des cerises et de l’écume. Silvana ignore pourquoi, mais elle pense à son père et pleure sans pouvoir s’arrêter. Quand elle rouvre les yeux, pour la première fois et pour la seule fois de sa vie, elle perçoit l’aura qui flotte sur le blé. C’est une sorte de vapeur orangée, un œuf lumineux qui entoure les épis.

Merci Catherine pour cette lecture. Si vous aimez la littérature de langue espagnole, les éditions de l'Atelier du Tilde sont faites pour vous.

2 commentaires:

Alex Mot-à-Mots a dit…

On connait si peu de choses de l'histoire du Chili, finalement.

nathalie a dit…

J'ai très peu lu de romans chiliens, j'avoue.