La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 7 janvier 2014

J’aime la voix des morts que la nuit vaste écoute !


Catulle Mendès, Médée, 1e représentation 1898, avec Sarah Bernhardt, édité en 1903.

Et, pour moi une dernière version du mythe de Médée. Qu’y apporte Mendès ?
Le texte contient des didascalies longues et détaillées, précisant avec soin l’intensité de la lumière. La pièce se déroule à partir d’une après-midi jusqu’à l’aube suivante et la lune et le soleil jouent leur rôle dans l’expression du drame.
Mendès reprend les chœurs comme dans les pièces antiques. Il y a trois chœurs, un de jeunes filles, un de jeunes femmes et de vieilles femmes, ce qui permet des morceaux très poétiques lors de la célébration des noces de Créuse, des plaintes de Médée ou de la mort des enfants. Les sentiments et les violences subies par les femmes se déclinent ainsi selon les âges de la vie.
Il y a une insistance sur les modalités concrètes de la magie de Médée : description du temple, des poisons, des animaux, des spectres. Tout cela renforce sa noirceur et sa cruauté. Il est certain que cette pièce devait laisser toute liberté à Sarah Bernhardt pour exprimer son talent dans le portrait d’une femme passionnée, sensuelle, entière.


Mais Jason est une figure également plus sombre. Ce n’est pas seulement un lâche un peu minable comme dans Corneille, mais un homme avide de pouvoir et de puissance, mentant à plusieurs reprises à Médée, jouant consciemment de sa séduction pour apaiser sa fureur. Une des scènes entre Médée et Jason est d’ailleurs pleine d’ambiguïté. Pleine de sensualité, il est difficile de savoir jusqu’où la manipulation intervient chez les deux personnages.

Je t’aime comme aux jours effrayants où nous primes
Dans nos premiers baisers le prix des premiers crimes,
Et le goût d’en oser d’autres, au même prix !
Oh ! combien pour mon cœur mon cœur a de mépris !


C’est une pièce où la langue est forte, elle contient beaucoup de termes concrets, ce qui confère une puissance singulière aux dialogues.

Femme à l’atroce cœur, j’ai su que tu parlais !
Ta malédiction plane sur le palais
Comme une grande orfraie aux battements funèbres
Va-t-en d’ici ! Va-t-en, femme aux yeux de ténèbres.
  
Notez que l'on peut voir plusieurs photos de la pièce sur Gallica. Article d'Eimelle avec le bracelet serpent porté par la comédienne.
Demain, je vous parle de la Médée de Pasolini. Et dans quelques jours, je conclus le challenge avec une ou deux curiosités.


3 commentaires:

Eimelle a dit…

que de versions de cette oeuvre...
je vais peut-être bien ressortir mon DVD de Pasolini ce soir, tiens! bonne journée!

sophie/vicim a dit…

Il faut que je trouve cette version impérativement.

nathalie a dit…

Eimelle : Pasolini c'est pour demain !
Sophie : J'ai trouvé une mauvaise version sur internet à partir duquel j'ai fabriqué un word plein de coquilles... Ce qui est bête, c'est qu'il y a sur Gallica l'affiche, les photos du décor et de Sarah Benhardt, mais le texte n'est pas numérisé.