La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 27 octobre 2016

Rien n’était visible ou lisible en totalité.

Virginia Woolf, Orlando, traduction de Catherine Pappo-Musard, parution originale 1928.

Orlando, c’est l’histoire d’une identité qui passe les frontières du sexe et du temps – un hymne à la fugacité des choses.

Le roman raconte donc la vie d’Orlando. Jeune riche anglais de la fin du XVIe siècle, favori d’Elizabeth I, aimant à fréquenter incognito les mêmes tavernes que Shakespeare et Marlowe. Le temps passe, mais Orlando continue d’avoir 30 ans. Il s’essaie à l’amour et aux lettres. Il devient ambassadeur à Istanbul. En une nuit, il devient femme. Elle garde les chèvres avec les Bohémiens et revient en Angleterre. Elle traverse le long XIXe siècle victorien – et ce n’est pas drôle. Orlando aime rouler vite, fumer au volant, même si elle est quand même un peu perdue. L’histoire finit en 1928, au son d’un aéroplane.
Le château de Knole, source d'inspiration du roman, et ses daims. M&M
C’est un roman très déstabilisant. Il est écrit sur un ton léger, plein de fantaisie douce-amère. Woolf s’amuse, passe d’une époque à l’autre, se moque des hommes de lettres et des puissants, des rois et des ambassadeurs. Orlando traverse les époques et les sexes, mais se retrouve sans cesse sous son vieux chêne, cherchant l’amour et un sens à la vie, fixant son attention sur une feuille, une fleur, entouré de ses chiens. Le roman m’a fait penser à deux autres œuvres que j’ai lues de Woolf : Entre les actes pour son ancrage dans la culture savante et populaire anglaise (littérature, poésie, chansons…) et Mrs Dalloway pour cette façon de louer le moi tout la fois changeant et immuable et de mettre l’accent sur le tourbillon de souvenirs et de sensations qui constitue un individu.
Woolf s’amuse aussi avec son lecteur, à la façon de Laurence Sterne, le faisant attendre ou passant par dessus un épisode, faisant entrer et sortir les allégories sans crier gare. Les codes de la littérature sont comme les limites que la société impose à chaque sexe : il faut jouer avec et les retourner !
Un ton doux amer, une joie mélancolique. Car le temps passe, malgré tout.

Le château d'Orlando grand comme une ville, M&M. 
La Nature a encore compliqué sa tâche et augmenté notre confusion en faisant de notre moi intérieur non seulement un vrai sac de guenilles hétéroclites et bariolées (disons, un morceau de pantalon de pandore tout à côté du voile de mariage de la reine Alexandra), mais en se débrouillant pour que toutes ces hardes fussent vaguement reliées les unes aux autres par un fil unique. C’est la mémoire qui tient l’aiguille et c’est, de plus, une couturière capricieuse.



11 commentaires:

Dominique a dit…

un des romans de VW qui me reste à lire mais je fais durer le plaisir

cbeauzac a dit…

J'aime beaucoup les vagues.
orlando j'ai fait un seul essai non concluant, je dirai.
j'attends d'avoir plus d'imagination!

nathalie a dit…

Il m'en reste aussi à lire, mais je ne vais pas très vite non plus.

nathalie a dit…

Les Vagues fait partie des veinards que je n'ai pas encore lus !

Lili a dit…

"Orlando" a ceci de très particulier qu'il s'inscrit complètement dans la progression romanesque de Woolf tout en étant complètement à part. C'est une expérience aussi érudite que vivifiante de le lire !
PS : Et l'on pourrait en dire autant pour "Les vagues" qui te plaira, je l'espère !

nathalie a dit…

Tu en sais des choses ! Je suis d'accord pour le côté vivifiant. Ce roman est plein de vie, c'est tout à fait ébourifant.

Bonheur du Jour a dit…

J'aime beaucoup ce roman de Virginia. Elle avait beaucoup d'humour et je l'imagine bien s'amuser tout en l'écrivant.
Bon dimanche.

nathalie a dit…

Oui, en effet, le ton traduit son amusement.

claudialucia a dit…

Orlando a l'air d'être, d'après ce que tu en dis, un peu à part dans la production littéraire de Virginia Woolf. Il faudra y aller voir à l'occasion peut-être d'une autre lecture commune,dans quelques mois? Qui sait?
Je trouve très belle la définition de la mémoire, "couturière capricieuse".

Tania a dit…

Voilà qui donne envie de relire ce roman un jour. Ecrire "Orlando" a été comme une récréation pour Virginia Woolf, elle s'amusait en laissant libre cours sa fantaisie, en effet.
Jacqueline Harpman a brodé sur ce thème dans "Orlanda", c'est très différent et intéressant.

nathalie a dit…

Effectivement, ici Woolf s'amuse plus qu'à l'ordinaire et prend ses distances avec ses préoccupations habituelles.