La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 28 avril 2016

Il cherchait les mots qui lui auraient parlé de lui.

Paolo Cognetti, Le Garçon sauvage. Carnet de montagne, traduit de l’italien par Anita Rochedy, parution originale en 2013.

Ouvrez ce livre et prenez l’air.

L’auteur nous raconte comment il a passé un été dans la montagne. On est tenté d’ajouter immédiatement « à l’écart de tout », sauf que l’on n’est jamais vraiment à l’écart de tout. Le garçon va donc nous raconter son arrivée dans une bâtisse située tout là haut, mais avec eau et électricité, ne vous inquiétez pas, ses repas, ses marches, ses problèmes de sommeil, la découverte de ses voisins (vaches, lièvres, chiens, humains) et surtout le fil de ses pensées. Il est constamment accompagné par la littérature, la poésie et les récits de témoignage (qu’il donne envie de lire) et ne se situe jamais dans un vide sans humanité. En cela, sa retraite n’est pas une solitude. Les contacts humains demeurent rares, mais sont plus fréquents qu’il ne se l’imaginait au début et sont surtout plus riches ou plus intenses.
Le livre s’en prend au mythe de la nature sauvage qui (du moins en Europe) n’existe plus depuis belle lurette. Tous les paysages, même ceux des Alpes, résultent de l’activité humaine vieille de plusieurs siècles, et espérer un truc authentique est illusoire. Autant dire que passer plusieurs mois en montagne revient à demeurer un humain inscrit dans l’histoire humaine.
Massif de la Charteuse, 2013, M&M.
Et pourtant le narrateur se confronte avec la montagne, la fatigue, les efforts, les gestes répétitifs, le manque d’objets. Ce séjour lui permet de concentrer son attention sur le monde qui l’entoure, sur ses propres pensées, sur son corps, ses angoisses et ses joies, car les distractions habituelles qui empêchent ce genre de retour sur soi sont ici absentes. On ne saura pourtant guère de choses sur l’auteur. Il ne faut pas s’attendre à une grande révélation éclatant entre les rochers ou à des épanchements sentimentaux. La pudeur règne, mariant parfaitement justesse de ton et sensibilité personnelle.
Un livre apaisant qui oxygène le lecteur.

(À propos d'un groupe de bouquetins)

Le vieux était le seul qui s’intéressait encore à mon cas : il s’était couché face à moi, à trois ou quatre mètres de distance, et me scrutait en ruminant et en se grattant de temps à autre le dos avec ses cornes. Je lui comptai une quinzaine d’anneaux : quinze années passées à se balader en montagne, sans ennemis et sans jamais avoir à descendre dans la vallée. Quelle belle vie. Qui sait s’il vivait là son dernier été ou s’il résisterait encore un hiver aux affres du temps. Nous nous observions l’un l’autre et j’avais comme l’impression qu’il se posait le même genre de questions à mon sujet.

Dominique vous le recommande vivement. Bon pour le challenge italien d'Eimelle.


4 commentaires:

eimelle a dit…

de quoi prendre un bon bol d'air virtuel!

Dominique a dit…

merci à toi pour le lien
C'est un livre que j'ai aimé et qui fait du bien outre que j'ai aimé l'aspect poétique

nathalie a dit…

Tout à fait, un livre parfait pour lire dans le train d'ailleurs.

nathalie a dit…

Oui, tout à fait d'accord.