La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 28 mars 2016

J’ai tellement aimé ce livre que j’aimerais habiter dedans, y entrer et ne plus en sortir.

Lionel Duroy, Échapper, 2015.

Un livre pour lequel j’éprouve des sentiments ambigus.

Le narrateur, Augustin, est écrivain, parti sur les traves de La Leçon d’allemand, le roman de Lenz, à moins que ce ne soit sur celles du peintre Emil Nolde. Il raconte sa quête éperdue des lieux et des personnes, tout en rappelant un précédent voyage réalisé dans cette contrée et en évoquant le fiasco de son mariage.

La spécialité de Duroy est cette façon de mettre en scène sa vie familiale et sentimentale comme une stratégie de survie. Disons-le, cet Augustin est franchement agaçant, même si ses réflexions ont le pouvoir troublant de renvoyer le lecteur à sa propre vie, plus ou moins ratée ou réussie, à cause de l’impudeur gênante. Cette intimité est exhibée comme on n’ose pas le faire avec soi-même et force à l’introspection.
Reste la quête.
Au départ, Augustin cherche les lieux qui ont pu inspirer Lenz. Il se comporte à la fois comme un individu pour qui la vraie vie est dans la littérature et à la fois comme une midinette cherchant des traces (en l’occurrence une brique boueuse) de son idole. Cette ambiguïté fait sourire. La naïveté me semble commune à bien des fans de littérature, qui mêlent discours savant et rêveries simplistes dans leurs hommages.

E. Nolde, Voiliers dans la mer jaune, 1914, Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, RMN.
Se détournant progressivement de Lenz, Augustin en vient au peintre Emil Nolde qui a inspiré le roman. Il se sert de sa propre expérience de la vie pour tenter de le comprendre, tout en proposant des interprétations contradictoires des actes du peintre – Augustin me semble (point positif) doté d’une grande capacité à se projeter dans l’autre, tout en n’hésitant pas à plaquer son propre vécu sur les quelques bribes qu’il perçoit de la vie des autres – on ne sort jamais vraiment de soi.

Que garder de ce roman ? En tout premier, lisez le magnifique roman de Lenz si vous ne le connaissez pas. Ensuite, la belle évocation d’une région que je ne connais pas (encore), à savoir l’Allemagne du Nord, celle des rivages de la Baltique, tout un monde à découvrir. Et surtout, cette unique idée : aimer un livre au point de vouloir  y vivre et n’en plus sortir.

En somme, m’étais-je dit, tout est conforme à l’idée que j’entretiens de la vie : elle est grande et enviable dans les livres, intéressée et impitoyable sur la Terre.


2 commentaires:

Alex Mot-à-Mots a dit…

Vouloir vivre dans un livre ? Quelle belle idée.....

nathalie a dit…

Surtout dans le roman de Lenz, cela se comprend parfaitement.