La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 23 octobre 2015

Jacques mène son maître.

Denis Diderot, Jacques le fataliste, écrit entre 1765 et 1784, paru dans La Correspondance littéraire de 1778 à 1780, première édition 1796.

Cela faisait longtemps que je souhaitais relire ce livre qui ne ressemble à nul autre.

Jacques et son maître dont on ne sait pas le nom – mais que vous importe, lecteur ? – sont à cheval en route pour on ne sait où ni pourquoi – mais vous êtes bien curieux, lecteur – et Jacques raconte ses amours en étant sans cesse interrompu.
Voilà le prétexte de ce récit sans queue ni tête. Deux hommes causent, s'interrompent et se racontent des histoires, ont des péripéties au cours desquelles ils écoutent d'autres histoires.

Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.

Mais d'où vient le charme de ce roman ? Le fil narratif semble inexistant, même si grâce à des coïncidences et des retournements de situation le lecteur est invité à se méfier des apparences et à ne pas tirer trop vite ses conclusions. Jacques prétend que nos actions sont écrites dans le grand livre du destin là-haut et qu'il ne sert à rien de s'en féliciter ou de les regretter – tout en ne s’en privant pas. C'est un bavard, il aime boire et interrompre les autres à tout propos. C'est bien lui qui mène la danse. Le maître est un personnage falot, naïf, mais expert pour faire discourir son valet.
Pour le reste on trouve toute la société du XVIIIe siècle, avec ses paysans et ses nobles, et c'est bien agréable. En bon roman des Lumières, les religieux sont bien malmenés. Le ton est plein d’humour, notamment quand il s’agit des choses de l'amour et du sexe, et se moque de celles et ceux qui font trop de manières.
Une troisième voix est très présente, voire intempestive, c’est celle du narrateur qui interpelle directement le lecteur et se moque de ses souhaits et de ses habitudes.

François Boucher, Hercule et Omphale, Musée Pouchkine, Moscou

Lecteur, vous me traitez comme un automate, cela n'est pas poli : "Dites les amours de Jacques, ne dites pas les amours de Jacques ; ... Je veux que vous me parliez de l'histoire de Gousse ; j'en ai assez... " Il faut sans doute que j'aille quelquefois à votre fantaisie ; mais il faut que j'aille quelquefois à la mienne, sans compter que tout auditeur qui me permet de commencer un récit s'engage d'entendre la fin.


Jacques le fataliste est bien sûr le digne héritier de Tristram Sandy.

6 commentaires:

Lili Galipette a dit…

Ce roman était au programme de première l'année de mon bac :j'ai commencé par m'arracher les cheveux sur ce texte avant de tomber sous le charme !

keisha a dit…

Pareil que toi: le livre est sur mes étagères, à attendre une redécouverte...

nathalie a dit…

Ah oui au début on se demande vraiment sur quoi on est tombé, c'est n'importe quoi.

nathalie a dit…

À l'occasion des vacances, j'ai ressorti la liseuse et hop !

Mélusine a dit…

J'en garde un très bon souvenir, comme un bon moment de jeu

nathalie a dit…

Un jeu, c'est exactement ça !