La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 30 mars 2015

Il se décevait lui-même comme le décevaient son monde et son époque ; il en était.

John Williams, Stoner, traduit de l’américain par Anna Gavalda, publication originale 1965.

Même si j’ai toujours du mal à commencer un livre, j’ai particulièrement eu du mal avec celui-ci. J’ai persisté, car je sentais bien quelque chose, mais du coup, je comprendrais les lecteurs qui préfèrent abandonner.

De quoi s’agit-il ?
De la biographie d’une universitaire imaginaire, William Stoner, issu d’une petite famille rurale américaine qui devient professeur de littérature à l’université du Missouri. Sa découverte de la littérature, sa thèse, son mariage peu heureux, son histoire d’amour et sa lente disparition. À la fin, il ne reste que l’amour de la littérature (je pense comprendre pour quelle raison on m’a offert ce livre).
Le roman retranscrit remarquablement son époque : la campagne misérable, le sujet de thèse de Stoner, l’essai de sa femme pour être moderne en raccourcissant ses cheveux et ses robes… Stoner étudie les phénomènes par lesquels la pensée des Anciens a pu être transmise par le Moyen Âge aux hommes de la Renaissance, car, non le Moyen Âge n’est pas un gouffre noir et non, la Renaissance n’a pas tout inventé. Les historiens de l’art et de la littérature du début XXe siècle sont en effet nombreux à avoir étudié cette longue transmission (avec ou non perdition) de la tradition latine (Panofsky, Warburg, Seznec). Déclenchement de la Première Guerre mondiale, crise de 1929, Guerre d’Espagne, Seconde Guerre mondiale… le moment est propice pour s’interroger sur les fondements d’une civilisation et de la culture et sur les racines possibles de l’Occident. Je trouve que le roman traduit de façon étonnamment juste ces inquiétudes au travers de la vie de Stoner.

Université du Missouri. Image Wiki.
Il s’agit bien évidemment d’un hommage à la littérature, au savoir, au travail de la recherche, au goût de la transmission, à travers ce portrait d’un homme avec ses faiblesses et ses incapacités.
Mes difficultés au démarrage s’expliquent par la tonalité générale d’un livre triste et habité par un personnage qui semble indifférent à beaucoup d’aspects de la vie et qui souhaite échapper au monde. L’écriture est aussi d’un calme volontiers monotone. Il y a beaucoup d’imparfaits : est-ce dû à l’anglais ou au goût de Gavalda pour Flaubert ? Je m’interroge. Cette prose correspond indubitablement au héros et à sa vie.

Au début, il en avait été très fier. Il l’avait tenu dans ses mains, avait caressé le papier ordinaire dans lequel il était emballé puis l’avait feuilleté tranquillement. Il lui sembla aussi fragile et vivant qu’un enfant. Il relut sa prose ainsi imprimée et fut un peu surpris de la découvrir ni meilleure ni pire que dans son souvenir puis finit par s’en lasser. Cependant, il ne put jamais s’empêcher d’y repenser sans ressentir une pointe d’étonnement, voire d’incrédulité au regard de sa propre témérité et de cette part de responsabilité qu’il avait alors accepté d’assumer.
Pour l’avoir vécu, tout est vrai !

Merci Eva pour m'avoir offert ce livre.

6 commentaires:

Miss Alfie a dit…

Ce n'est pas forcément un livre qui m'attirerait d'emblée, notamment si tu signales un aspect triste (cf. notre discussion de samedi sur l'ambiance des livres), mais l'aspect biographique et les thématiques traitées pourrait me faire changer d'avis !

nathalie a dit…

"Triste" c'est un peu réducteur en réalité. Le personnage choisit de se couper peu à peu de la vie, ou refuse de lutter dans sa vie, pour se tourner vers le plaisir de lire/ d'étudier / de transmettre / de comprendre. Cela peut aussi être senti comme très stimulant.
Je crois que Lili est plus enthousiaste que moi par exemple.

Frankie a dit…

Il m'avait été offert par une amie pour mon anniversaire et je l'ai lu il y a deux ou trois ans et j'ai été très agréablement surprise par l'histoire qui m'avait beaucoup plu. Après c'est vrai que c'est assez mélancolique.

nathalie a dit…

Oui, on se laisse finalement prendre par l'histoire.

Lili a dit…

Je l'ai lu lors de sa sortie. Je n'en garde que peu de souvenirs précis mais une impression de lecture plutôt persistante. L'étrange destinée de Stoner m'avais semblé à la fois enthousiasmante et désespérante. Bon, je rejoins les commentaires précédent : mélancolique, en somme !

nathalie a dit…

Oui c'est un livre à la beauté tout à fait paradoxale, tout comme le parcours de ce personnage.