La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 8 septembre 2014

Vous trouverez au Canada beaucoup de baleines, marsouins, des espèces de poisson dont nous n'avons jamais entendu parler.

Jacques Cartier, Voyages au Canada, édité chez Lux, textes écrits entre 1534 et 1545. Introduction de Marie Hélène Fraïssé.

Une lecture historique et peu distrayante, mais très intéressante.

Au mois de juin, nous avons visité près de Saint-Malo le manoir où s’est installé Jacques Cartier après ses voyages au Canada et où il est mort. La visite est extrêmement bien faite (je vous la conseille vraiment) et j’ai acheté ce petit livre. Cartier, ou plus exactement le scribe du voyage, raconte les trois voyages en lignes brèves. Ce texte n’a rien de pittoresque et séduisant, il s’agit de persuader le roi de France, François Ier, de l’intérêt de ces nouveaux territoires (alors qu’il a d’autres chats à fouetter). Il faut insister sur les forêts magnifiques, la terre riche où tout pousse, la profusion de poissons et d’oiseaux et sur la facilité (supposée) à convertir les sauvages.

Parroillement y a force belles prairies et bonnes herbes et estancq où il luy a force saumons.
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De même, il y a beaucoup de belles prairies à l'herbe grasse et des étangs où il y a beaucoup de saumons.

Cette lecture permet aussi de s’interroger sur la notion de découvreur et d’explorateur. Les territoires en question sont bien évidemment habités par ceux qui sont appelés les « sauvages ». De nombreux pêcheurs européens s’aventurent autour de Terre-Neuve depuis longtemps afin de pêcher la morue et plusieurs d’entre eux ont déjà posé pied sur cette terre (ne parlons pas des Vikings). D’ailleurs, les sauvages en question ont tout à fait l’habitude d’échanger des peaux contre des outils et sont loin de s’enfuir à l’arrivée de Cartier. La nouveauté de Cartier est le désir d’explorer en profondeur cette terre et de s’y installer. Les rapports avec les autochtones sont d’ailleurs ambigus : Cartier a besoin d’eux pour les vivres et leur connaissance du terrain, mais les utilise et les trompe. Eux ne sont pas passifs ou naïfs et comprennent qu’il y a un rapport de force dont peut-être ils pourront tirer profit. Mais les faits ne sont pas en faveur de Cartier. Ce qui m’a frappé est aussi que les Européens savent désormais (après les voyages de Colomb) que sur ces terres nouvelles se trouvent des individus qu’ils estiment sauvages mais qu’ils savent être humains. Ils savent à quoi s’attendre.

Gudin, Jacques Cartier découvre et remonte le fleuve Saint-Laurent,
XIXe siècle, Versaille, image RMN.
Ce qui m’a plu ? Les descriptions de cette nature inconnue où il est évident que, quand on ne sait pas ce que l’on a sous les yeux, on est incapable d’en parler. Et la première apparition du « Mont-Royal ».

Le gros hic est bien évidemment la langue du XVIe siècle, pas lisible, d’autant qu’il s’agit d’un texte technique, avec en permanence des indications de distance et de navigation.

Que donneront ces voyages ? Sur le plan politique, pas grand-chose. Mais les pêcheurs et les marchands de Normandie et de Bretagne vont continuer l’exploration et s’installer progressivement. Surtout, les Québécois du XIXe siècle seront les premiers à s’intéresser à Cartier – c’est une fondation canadienne qui a restauré le manoir du navigateur.

Il y en a cent fois plus à l’environ d’icelle et en l’oir que dedans l’isle dont partie d’iceulx ouaiseaulx sont grans comme ouays noirs et blancs et ont le bec comme ung corbin (corbeau) et sont tousjours en la mer, sans jamais povair voller en l’air pour ce qu’ilz ont petites æsles comme la moitié d’une main : de quoy ilz vollent aussi fort dedans la mer comme les uatres ouaiseaulx font en l’air.
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Il y en a cent fois plus autour d'elle et dans l'air qu'à l'intérieur de l'île, dont notamment des oiseaux grands comme des oies, noirs et blancs, avec le bec comme celui des corbeaux, qui sont toujours dans la mer, sans jamais pouvoir voler dans l'air car ils ont des ailes petites, de la taille de la moitié de la main. À cause de cela, ils volent aussi bien dans la mer que les autres oiseaux volent dans l'air. → des pingouins !


 Lire au QuébecDestination PAL. Billet d'ouverture de Québec en septembre organisé par Karine. 

6 commentaires:

Dominique a dit…

pas certaine d'avoir le courage de lire ce livre mais il y a en bibli une histoire de son voyage que je pense plus accessible et tu me donnes envie de le mettre dans mon programme de lectures

nathalie a dit…

Lire un ouvrage à propos de Cartier ou de ses voyages doit être plus facile et tout aussi intéressant. Mais ma lecture complétait bien la visite du manoir !

Syl. a dit…

Les pingouins dans les airs ? J'imagine... belle frayeur !
Je crois que je me contenterai de ton billet (bien intéressant ceci-dit)

nathalie a dit…

Ce doit être étonnant de découvrir ces petits oiseaux qui ne peuvent pas voler mais qui nagent comme des poissons !

Alex Mot-à-Mots a dit…

Ecrit en ancien français ?

nathalie a dit…

L'ancien français, c'est encore plus vieux (Chrétien de Troyes par exemples). Juste du français du XVIe siècle, avec plein d'indications très techniques qui n'aident pas.