La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 24 septembre 2014

Je marche, je respire, et l’étrangeté de ce voyage au nord où s’ancrent mes racines, me plonge dans un magma d’émotions que je croyais apaisées.

Virginia Pésémapéo Bordeleau, Ourse bleue, 2007.

Un livre qui m’a véritablement bouleversée.

La narratrice, Victoria, est métisse, à moitié Amérindienne Crie. Avec son mari, Daniel, elle se rend sur les lieux de son enfance et de sa famille, pour se plonger dans le passé, se souvenir et découvrir. En parallèle, elle découvre ses propres pouvoirs de chamane.

Le livre tresse plusieurs fils :
Tout d’abord, celui des Indiens Cris et de leur destin brisé. Des notions inconnues apparaissent : territoire de trappe, objets de rituel, un rythme de vie lié aux saisons. C’est surtout un peuple détruit par l’alcool, par la désintégration des liens familiaux (les enfants envoyés au pensionnat), par l’aménagement du territoire… Et pourtant tous les personnages du roman sont bien vivants et la culture crie est loin d’être factice !
Il y a aussi le fil de la famille. Je n’ai pas vraiment retenu tous les liens entre grand-tante et cousins trop compliqués pour moi. Beaucoup des personnages sont métis et vivent entre deux mondes : la narratrice est attentive à leur teinte de cheveux, à la langue parlée… Commencé comme un classique roman de souvenirs d’enfance, le roman m’a flanqué une série de coups de poing par la violence des événements rappelés dans une bouffée de chagrin et de douleur. Mais je dois dire que le père qui traque le castor et initie ses enfants à Bach m’a plu !
Il y a enfin le fil du deuil : on meurt jeune dans cette famille détruite et le fil de la vie est fragile. Par la puissance du rêve et de la compassion, la narratrice peut éloigner la douleur. Bien sûr, j’ai été extrêmement touchée par cela.
 
Cris de Chisabisi - Baie de Saint-James. Wiki image.


Le roman entrecroise les souvenirs d’enfance et une quête contemporaine. Il porte quelque chose de poétique et de dynamique à la fois.

En haut de la page, le premier ancêtre inscrit portait le nom de Judah Ntayumin. Je crois que cela signifie N’daï min, fruit du cœur, pour désigner la fraise en cri, nom déformé en Domind par les missionnaires et les commerçants écossais ou anglais. Stanley corrige mon erreur d’interprétation. De ses lèvres charnues, il prononce le nom de façon à ce que je puisse le lire tout en l’entendant. Nèdé ni yu min ou C’est ainsi que je parle… Je mets quelques secondes à réaliser qu’il s’agit là de notre nom de famille : « C’est Ainsi Que Je Parle » ou en d’autres termes : « Je Marche Ma Parole ».
Pendant un court instant, j’entends confusément battre mon cœur, le tambour. J’intègre dans toutes les fibres de mon être le nom que portait réellement ma grand-mère.

Des femmes écrivains. Lire au Québec. Québec en septembre. L'avis de la petite marchande de prose.


4 commentaires:

Lili Galipette a dit…

Oh !! Je le veux lui, je note soigneusement le titre !!

nathalie a dit…

J'ai eu du mal à le trouver (commande Amazon je crois), je pourrai te le prêter si tu as du mal aussi.

Karine:) a dit…

Une auteure que je veux absolument découvrir. Depuis un petit moment déjà.

nathalie a dit…

Je l'ai découvert grâce à ton Québec en septembre, une précédente participante l'avait lu.