La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 8 juillet 2014

Il n’existe pas de commune mesure entre le don définitif de la bête et les prêts temporaires consentis par le changeant cœur humain.

Colette journaliste, articles réunis par Gérard Bonal et Frédéric Maget, édité au Seuil en 2010 et chez Libretto en poche.

Ce livre rassemble les articles de presse de Colette qui n’avaient pas été encore publiés en livre (le critère me semble un peu hétéroclite, mais bon). Comme bien d’autres écrivains, Colette a été une journaliste prolifique, collaborant à de nombreux journaux pour des durées variables. Comme Théophile Gautier avant elle, elle a tenu la chronique théâtrale pour la presse pendant des années, activité particulièrement chronophage, mais prestigieuse. Elle a aussi testé ses nouvelles et romans en feuilletons.

Vient un jour – aujourd’hui – où la bille est jetée : tous les jours, tous les jours, je courrai l’aventure d’écrire. Tous les jours un souci s’éveillera en même temps que moi, m’accompagnera en voyage, nagera l’été à mon flanc et s’insinuera dans mon songe.

Colette. Image Wiki.
On trouve ici chroniques judiciaires, reportage à bord du Normandie, chronique théâtrale et musicale, et beaucoup de notes du temps, réflexions diverses publiées sous forme de chroniques. On ne publie plus trop ce genre d’articles et ils sont incontestablement datés. Mais Colette y chante les petits bonheurs de la vie, les joies simples, le quotidien simple des femmes avec un talent inégalé. Nous appellerions ça des billets d’humeur, Colette y parle de choses personnelles mais pourtant universalisables : les sensations de la peau au contact du froid ou du soleil, le bruit des voisins, du bruit des papiers enveloppant les bonbons, la fascination pour les gadgets en plastique de toutes les couleurs, le plaisir de manger un ice-cream soda sur l’Empire State Building… Ses critiques des spectacles sont plus acerbes (c’est qu’elle connaît le milieu) et remarquables de lucidité.

Ô Nelle rouquine, sentimentale petite chienne, ne venons-nous pas, toi et moi, de tressaillir au même appel, d’ouvrir la narine au même souffle ? Oui, n’est-ce pas son haleine, à lui, son appel, à lui, - lui, le Printemps ?...
Personne ne le sait, mais il est là, caché. Caché sous cette écorce, caché sous ces écailles de feuilles collées au sol gras par le pied pesant de l’Hiver…
 

L’introduction et les notes sont très intéressantes pour resituer l’importance du journalisme dans sa vie et son écriture. On comprend aussi que Colette est devenue progressivement un auteur pour les femmes et pour la presse féminine (ce qu’elle n’était pas au début de sa carrière). Évidemment, le statut d’ « auteur pour dames » ne va pas servir sa postérité, alors même qu’elle était au début journaliste comme les autres.
On savoure la précision du vocabulaire, la critique sociale finement observé et le ton délicat, l’air de rien. Ce que je préfère : ses impressions de New York qu’elle a beaucoup aimé.

Particulièrement le lever quotidien en pleine nuit effraie ceux qui n’y sont point rompus. Le frisson de l’aube en hiver, le miroir de glace sur l’eau du seau, l’herbe roussie de gel qui craque sous le pied, la sombre étable qu’éclaire à peine un fanal balancé, le bras de la pompe, le manche de la fourche… Je n’ignore pas qu’il faut, pour changer en amis tous ces petits lares farouches, beaucoup de patience et même beaucoup d’amour.

  

2 commentaires:

Anis a dit…

Personnalité vraiment complexe et talent incontestable. Mais j'ai du mal moi avec ce personnage.

nathalie a dit…

Beaucoup de gens trouvent sa vie plus intéressante que ses romans (qui sont quand même un peu désuets). J'avoue avoir du mal à me faire une opinion, ces articles ne me convainquent pas.