La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 12 décembre 2013

On tue de naissance dans notre famille.


George Sand, Mauprat, 1837.

Voici un livre qui répond en tous points à l’adjectif « romanesque » !
Le narrateur est Bernard Mauprat qui raconte sa vie et celle de sa famille. Le récit se situe dans les dernières années de l’Ancien Régime, où se côtoient les vieux préjugés et les idées nouvelles. La famille Mauprat est noble, connue pour sa cruauté et ses habitudes de brigands, vivant en dehors des lois et Bernard en est le dernier rejeton. Le début du roman donne ainsi lieu à une description d’un château perdu dans la nature sauvage, habité par des brutes, ce qui est plein de pittoresque gothique. Mais à la suite de péripéties, Bernard se voit sorti de là et admis au sein de la famille de ses proches cousins, gens vraiment nobles, tant d’idées que d’éducation. Il tombe surtout éperdument amoureux de sa belle cousine Edmée. Il veut au début se l’approprier, mais finalement comprend qu’il lui faudra se domestiquer et s’éduquer un peu avant de pouvoir la mériter. Nous sommes alors partis pour un roman d’éducation rendant un vibrant hommage à Rousseau et reflétant les préoccupations de Sand en la matière. Mais il y aura encore des bouleversements de situation avant la fin.

Narcisse Diaz de la Pena, Sous-bois de chênes,
château de Compiègne, image RMN.
Si j’ai été agacée par les hauts sentiments des personnages et leur manie de faire des phrases, je suis tout à fait séduite par l’ensemble du roman. Le rythme est très bien mené, avec des alternances habiles dans les actions. Sand a le sens des rebondissements. J’ai également aimé cette plongée dans un XVIIIe siècle plein de contrastes : les paysans asservis, le château enfoui, les nobles accrochés à leurs privilèges malgré leurs prétentions philosophiques, le rôle de l'Église dans le maintien de l'ignorance. À quoi se mêle la sensibilité romantique (les ruines effrayantes et les grandes passions) et une pensée politique issue de la Révolution : idéal d’égalité, vertus de l’instruction, le modèle américain. C’est un peu la quintessence de Sand que l’on trouve là. Ajoutons l’importance de la nature, de la végétation, des forêts profondes du Berry et il ne manque rien.

Nous étions deux caractères d’exception, il nous fallait des amours héroïques ; les choses ordinaires nous eussent rendus méchants l’un et l’autre.

Les avis de Claudia Lucia, de George, de Miss Bouquinaix, de Somaja. Un billet de Claudia Lucia rapprochant ce roman des Hauts de Hurle-vent. 




3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup Edmée, un personnage féminin fascinant qui éduque son prétendant pour pouvoir l'épouser, je trouve cela assez génial !
Merci pour ta participation au Challenge !

claudialucia a dit…

Oui Mauprat est un roman original; c'est vrai que Sand y poursuit toujours une mission éducatrice mais elle sait le faire en donnant vie à ses personnages! Merci pour le lien.

nathalie a dit…

George : j'avoue avoir été sceptique sur ce "coup de foudre" et les exigences d'Edmé sont un peu longuettes à mon goût. Mais l'idée en effet est tout à fait réjouissantes.
Claudia : oui ce n'est pas didactique, cela reste très vivant.