La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



dimanche 24 novembre 2013

Humeur rousseauiste (2e)


Second billet consacré au Douanier Rousseau. La semaine dernière je vous parlais des œuvres les moins connues, peintures de paysage représentant notamment la banlieue parisienne. Cette semaine, place aux jungles, celles que m’a justement évoquées le roman de Nau, Force ennemie.

Rousseau, La charmeuse de serpents, 1907, Paris, musée d'Orsay
Et comment notre Parisien a connu cette nature exotique ?
L'anecdote disait qu'il avait connu ces territoires exotiques au cours de son service militaire au Mexique (épisode peu glorieux du Second empire). Sauf que Rousseau a reconnu à la fin de sa vie n’être jamais sorti de l’Île-de-France.

Rousseau, Surpris ! 1891, Londres, National Gallery
Mais alors… d’où sort tout cet univers ? Il s’agit de collages entre des animaux observés au Jardin d’Acclimation, des animaux empaillés de la Galerie de l’Évolution, des Grandes Serres (mais peu d’espèces sont vraiment identifiables, rien de naturaliste), des habitats reconstitués lors des Expositions Universelles (où l’on exhibait hommes et animaux à loisir), des gravures et des récits des journaux et romans populaires. C’est une nature fantasmée, rêvée pour le regard occidental. C’est un artiste tout à fait ancré dans la culture de son temps.

Lion du Sénégal terrassant une antilope
animaux naturalisés, 1889, Paris, Muséum d'histoire naturelle
Rousseau, Le Lion ayant faim se jette sur l'antilope, 1905, Riechen-Bâle, fondation Beyeler
Rousseau a exposé cette peinture accompagnée de la petite explication suivante, belle comme un roman populaire :

Le lion, ayant faim, se jette sur l’antilope, la dévore, la panthère attend avec anxiété le moment où, elle aussi, pourra en avoir sa part. Des oiseaux carnivores ont déchiqueté chacun un morceau de chair dessus le pauvre animal versant un pleur ! Soleil couchant.

Rousseau, La Bohémienne endormie, 1897, New York, MoMa
Alfred Jacquemart, Lion et cadavre, 1854, Paris, Jardin des Plantes
Est-il à l’écart de la modernité artistique ? C’est vrai, Rousseau ignore l’impressionnisme et les avant-gardes artistiques. Il se voulait académique et recherchait le soutien de Gérôme (lequel a bien dû ricaner). Mais il exposait avec les Indépendants et a été soutenu par Puvis de Chavannes. Apollinaire et Robert Delaunay l’ont défendu, ainsi que Picasso (même s’il ne faut pas exclure un peu de condescendance de sa part) et les surréalistes ont vanté son œuvre.

Rousseau, Paysage exotique, 1909, Washington, National Gallery
 Images scannées dans le catalogue de l'expo du Grand Palais, ou provenant des sites de la RMN ou des Musées.



6 commentaires:

Syl. a dit…

Toujours un plaisir de voir des peintures.
Bonne semaine Nathalie...

nathalie a dit…

Ça tombe bien, j'ai du stock !

claudialucia a dit…

Et oui, une place à part, un inclassable! Peut-être pour cela que je l'aime!

nathalie a dit…

Oui, il conserve un côté mystérieux.

Mirja a dit…

les tableaux exotiques de Rousseau sont tellement beaux ! ta comparaison avec les "originales" du zoo, fantastique !
je l'ai mentionné pour un article de la peinture paysage: https://blog.singulart.com/fr/2017/08/22/un-voyage-a-travers-la-peinture-de-paysage/
La charmeuse de serpents et forêt tropicale avec singes et serpents sont mes favoris!

nathalie a dit…

En effet, ce sont les tableaux les plus fascinants et mystérieux, mais il y a aussi beaucoup de peintures de la banlieue parisienne, ce qui n'est pas si fréquent.