La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 10 mai 2013

Allons-y de ce pas, et ne consumons plus De temps ni de discours en débats superflus.


Pierre Corneille, Médée, représentée en 1635, publiée en 1639.

J’ai entamé le défi de Sophie avec la version de Médée de Corneille, fournie dans ma liseuse.
Le texte n’est pas le meilleur de Corneille, mais la pièce laisse sa place à de brillants jeux d’acteurs, notamment pour le rôle de Médée. On a affaire à une pièce baroque : des trucages, Créüse et son père meurent en scène dans d’atroces souffrances, Médée s’envole dans un char tiré par les dragons façon deux ex machina, exagérations et paroxysmes.
Jason n’est pas très sympathique. En dépit de ses protestations, on a dû mal à s’attacher à son amour pour Créüse, ne prétend-il pas : « J’accommode ma flamme au bien de mes affaires » ? Il apparaît bien plutôt comme un homme soucieux de se procurer une couronne et une femme normale et de débarrasser d’une femme qui lui est supérieure mais socialement infréquentable. Ce qui fait que le spectateur ressent une sympathie mêlée d’horreur pour Médée. Je n’ai pas encore lu les versions antiques mais apparemment la nouveauté de Corneille est d’apporter les éléments qui permettent de plaindre Médée face au destin qui lui est fait. Je suppose qu’une bonne actrice doit pouvoir tirer toutes les ressources du rôle de Médée, propice à un grand jeu.
Du point de vue de la narration, afin d’équilibrer sa pièce Corneille introduit  le roi d’Athènes Égée qui se pose en amoureux évincé de Créüse (et donc en soutien politique de Médée). Et la tractation autour de la robe de Médée est très bien menée.
À noter que dans sa préface, Corneille ironise avec les supposées règles de la vraisemblance, montre qu’il en fait ce qu’il veut pour les besoins de la pièce.

Médée 
Sachant ce que je puis, ayant vu ce que j’ose,
Croit-il que m’offenser ce soit si peu de chose ?
Quoi ! mon père trahi, les éléments forcés,
D’un frère dans la mer les membres dispersés,
Lui font-ils présumer mon audace épuisée ?
  
À noter que le terme de « sorcière » que Jason applique à plusieurs reprises à Médée étaient pleinement actuel en ce début de XVIIe siècle où l’on brûlait encore sorciers et socières. Participation pour le challenge Médée de Sophie et le pari hellène.



4 commentaires:

Sophie/Vicim a dit…

Effectivement ce n'est pas la meilleure pièce de Corneille ni la meilleure version de Médée mais je trouve qu'il a bien réussi à nous faire "aimer" à certains instants Médée. C'est un sentiment très particulier. J'aimerais beaucoup voir une adaptation de cette pièce, je n'ai vu que la version d'Euripide. Belle journée.

nathalie a dit…

J'aurais peut-être mieux fait de les lire dans l'ordre chronologique de création, mais bon...

Pmette35 a dit…

Je participe moi aussi au challenge de Sophie. Je n'ai pas encore lu la version de Corneille. Dans ton billet tu mentionnes le fait que Corneille laisse le spectateur ressentir de la sympathie pour Médée. C'est aussi ce que j'ai ressenti dans la version (moderne) de Marie Goudot. Chez sénèque, c'est tout autre chose...

nathalie a dit…

Il y a une modération sur les anciens billets Grigrigredin, c'est pour cela que tu as eu du mal à poster ton billet ! Les spams vont en effet surtout sur les anciens billets.
Je n'ai pas encore lu celle de Sénèque et je ne l'ai pas encore trouvée, ni celle de Goudot d'ailleurs. C'est intéressant toutes ces comparaisons !