La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 31 janvier 2013

Idées, souvenirs, songes, erraient dans sa tête, ou plutôt des bribes de tout cela.


Léon Tolstoï, Les Cosaques, 1e éd. 1863, traduit du russe par Pierre Pascal en 1960 pour Gallimard.

Un beau roman très agréable à lire, au rythme entraînant.
Le héros Olenine, jeune élégant moscovite, fuyant les dettes et un certain dégoût de la vie, s’enrôle dans l’armée russe, laquelle est en pleine pacification (c’est-à-dire conquête) du Caucase. On est aux confins de l’empire, en Tchétchénie. Autant dire que pour un jeune Russe, le Caucasien est un peu le Breton ou l’Espagnol des romantiques français : un être simple mais plein d’un charme mystérieux. En réalité les habitants restent lointains et inaccessibles, on ne verra d’eux que deux cadavres abattus par l’armée. Ce sont les Cosaques les vrais héros : les habitants mi-russes mi-caucasiens, ennemis de l’armée comme des autres, fiers et inaccessibles, porteurs d’une imagerie exotique.
Olenine trouve à se loger dans un village et tombe bientôt sous le charme de la vie Cosaque, loin des complications de la ville, chassant et buvant comme un vrai. Il découvre aussi Marion, la très belle fille du sous-lieutenant local.
Le thème du roman est simple et sans grande surprise mais c’est une très grande réussite. Tolstoï rend extrêmement bien la beauté des paysages, ces montagnes nouvelles à l’horizon, la forêt, la rivière. Le texte est parsemé de mots de diverses langues, mots qui sonnent aussi étrangement aux oreilles françaises qu’aux oreilles russes, pour signifier le dépaysement.
Clin d’œil : au travers d’une citation, on voit que Tolstoï (comme George Sand) a lu Le dernier des Mohicans de Fenimore Cooper, son héros étant persuadé de plonger dans un monde disparu.

Tout à coup il vit, à une vingtaine de pas, crut-il au premier instant, des masses d’une blancheur immaculée aux contours délicats, et la ligne fantaisiste, nettement découpée, de leurs cimes et du ciel lointain. Quand il eut compris toute la distance qui le séparait des montagnes et du ciel, toute l’immensité des montagnes, quand il sentit tout l’infini de cette beauté, il craignit que ce ne fût un fantôme, un songe. Il se secoua, pour se réveiller. Les montagnes étaient toujours là.


A. Sauerweid, Bivouac des cosaques aux Champs-Elysées, le 31 mars 1814,
aquarelle, Paris, musée Carnavalet, image RMN
Lecture commune avec Cryssilda pour Un hiver en Russie. Le billet de Cléanthe et de Karine. Autre roman de Tolstoï lu sur ce blog : Anna Karénine.

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