La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 25 octobre 2011

Ce n’est pas la vie qui est douce, c’est la mort qui est terrible.

Edward G. Bulwer-Lytton, Les derniers jours de Pompéi, traduit de l’anglais par Hippolyte Lucas (1e édition 1834), Paris, Les Belles Lettres, 2007.


J’imagine que vous connaissez le titre (des dizaines de films ont été tirés du roman). Pour ma part je l’avais lu dans mon adolescence et j’ai eu envie de le reprendre. Le fil narratif est simple : le roman mettra en scène quelques personnages lors des derniers jours de Pompéi, juste avant le 24 août 79. Tout son récit est compatible avec les découvertes archéologiques : l’emplacement des squelettes qui indiquent où se trouvaient les personnes au moment de leur mort, le décor des maisons, les inscriptions sur les murs, le nom de certains Pompéiens, des objets découverts en des emplacements bien précis… Une grande partie de la réussite du livre vient de cela, il peut être lu en se promenant dans la ville morte. Ici Ione a rencontré Glaucus, ici Claudius a parié de l’argent sur tel gladiateur, là Diomède a trouvé refuge, le jardin de cette villa n’était-il pas celui où la Thessalienne se recueillait ? Le revers est l’aspect un peu pédagogique du roman, où les explications sont quelquefois amenées lourdement (sur la religion, les armes des gladiateurs, la construction des maisons).

     Il s’agit d’une histoire mélodramatique, Glaucus et Ione sont jeunes, beaux et riches, ils s’aiment. Mais en travers de leur chemin se trouve un terrible et mystérieux Égyptien Arbacès, au savoir mal défini mais ancestral. Glaucus est Athénien et se plaint de la domination de Rome et le roman porte une critique légère mais tenue contre Rome, impériale, sûre d’elle même, en proie aux plaisirs. Il faut ajouter les riches amis oisifs de Glaucus, une magicienne étrusque, un groupe de gladiateurs de façon à ce que nous visitions toute la ville. Il y a aussi une petite secte mystérieuse, des Nazaréens pas très bien identifiés, ce sont les Chrétiens (rien que des personnages positifs et masculins ! ???).
    Peut-être le sentez-vous mais mon avis est mitigé quant à ce roman au charme pourtant indéniable. J’ai envie de dire que Bulwer-Lytton n’est pas à la hauteur de ses ambitions même si c’est un peu cruel.
La première erreur est dans le point de vue qu’il adopte. La narration s’effectue selon son point de vue à lui, écrivain du XIXe, qui connaît la fin de l’histoire et qui délivre un jugement moral sur les Romains (et qui explique à ses contemporains leur mode de vie). Il ne joue donc pas sur les effets de l’ironie tragique et crée une barrière entre les personnages et les lecteurs, il y a toujours quelque chose qui empêche de s’immerger dans ce monde disparu.

Constant Puyo, Ruines, Pompéi, 1890-1900, musée d'Orsay, image RMN.
La seconde erreur est sans doute dans la faiblesse de certains personnages : l’indéfectible bonté des Chrétiens, la noblesse d’âme des Grecs, le méchant auquel j’ai eu du mal à croire, etc. C’est un défaut mineur, qui n’agit que sur le long terme. Il y a plusieurs passages très réussis, et Bulwer-Lytton réussit à merveille de courts passages (descriptions du paysage, scène de bagarre, conversations où se font jour les états d’âme de certains héros comme Médon par exemple). Mais sur la longueur, tout cela est un peu trop réfléchi et pas assez complexe ou passionné.
   Malgré tout, la lecture est très agréable et permet de se replonger dans les rues de Pompéi. Le charme opère, le roman rend bien la présence constante des dieux et de la magie, dans les formules et les actes les plus simples de la vie quotidienne.

Des grappes de raisin, que le sourire de l’été rendait déjà vermeilles, étincelaient entre les festons de pampre qui pendaient d’un arbre à l’autre. Au-dessus, de légers nuages flottaient dans un ciel serein, et glissaient d’une façon si lente à travers le firmament, qu’ils semblaient à peine se mouvoir ; à leur droite, de moment en moment, leur vue découvrait une mer sans vagues, qu’animaient seulement quelques légères barques à sa surface ; les derniers rayons du soleil teignaient de douces et innombrables nuances cette délicieuse mer.
« Quelle belle expression », dit Glaucus à mi-voix, « que celle qui appelle la terre notre mère ! »

Une mise en garde : il s’agit d’un roman souvent considéré comme relevant de la littérature jeunesse et donc allègrement mutilé (pour certains « jeune » est synonyme de « crétin »). Ainsi l’édition du Livre de Poche est à déconseiller, celle des Belles Lettres, en dépit de ses coquilles, est intégrale.



Petite vidéo gentiment signalée par Marie-Neige. Il y a un léger bruit de fond (de la musique canadienne) mais pour les costumes et les décors, c'est plutôt très bon sur le plan de la "romaine reconstitution". Quant à faire une chanson sur la bataille d'Actium, il fallait oser.


5 commentaires:

Marie Neige a dit…

Faudra pas te plaindre des pubs ciblées hein ;) Si tu veux je peux essayer de te fournir une "illustration musicale" pour chacun de tes futurs posts. Ce sera un peu comme être le somelier et toi le chef !

nathalie a dit…

Je vais peut-être me pencher sur la littérature des îles Féroé, moi...

Marie Neige a dit…

Ne te penche pas trop, les falaises sont abruptes, un accident est vite arrivé !!

Aymeline a dit…

je le lirais bien un jour, en attendant de pouvoir me payer un voyage à Pompéi :)

nathalie a dit…

Ça ne vaut pas un voyage en Pompéi. Moi j'y suis allée fin décembre, il n'y avait personne, j'étais toute seule dans les rues, c'était inoubliable.