La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 1 juillet 2011

L’animal a un pelage couleur chocolat, comme un élan, et il est presque aussi gros.


Rick Bass, Les derniers grizzlys, traduit de l’américain par Gerard Meudal (1995), Paris, Gallmeister, 2010.

Un petit récit très marquant dont l’argument tient en une phrase : quelques hommes cherchent les preuves de survie des grizzlys du Colorado. Tout simplement.
   Le narrateur, Rick Bass raconte leurs expéditions, leurs campements, leurs marches dans la forêt. Il dresse le portrait de ces hommes qui passent une partie de leur vie dans ces natures isolées, qui traversent le pays en pick-up pour essayer de sauver ce qui peut l’être. Ils ont renoncé à essayer de voir un ours, à vouloir poser un collier émetteur. Ils prônent une autre sauvegarde, toute en discrétion, où les humains s’adaptent à l’animal et à ses cachettes. Ils traquent les touffes de poils, les empreintes, les excréments qu’ils récoltent avec passion. Le grizzlys lui-même ? Ce n’est pas certain qu’on le verra mais ce n’est pas l’important, une forêt n’est plus la même quand on sait qu’elle est habitée par l’ours géant.

Les cerfs grouillent autour de moi, dans les buissons de sauge, sur les bas-côtés. Leurs silhouettes sombres ressemblent à celles de chevaux, et étrangement ils ne se dérangent même pas quand ils me voient débouler à grandes enjambées. Ils se poussent simplement de côté pour me laisser passer. Je sens la chaleur de leur corps et même l’odeur de la sauge qu’ils sont en train de brouter, le bruit de leurs entrailles, leurs borborygmes et leurs pets, le claquement de leurs sabots. En contrebas, au bord de la rivière, près d’une ligne d’arbres plus sombre retentit le brame d’un mâle dominant. Les femelles, les faons et quelques autres mâles silencieux descendent rejoindre leur chef. Au virage suivant je m’arrête un instant, hors d’haleine, et laisse les sons de la nuit monter vers moi.

Pépère, par moi.

Le livre n’est pas très long mais très dense et je l’ai lu assez lentement. Il y a dans cette écriture quelque chose d’extrêmement plein et lourd et en même temps plein d’espoir. La nature sauvage n’est pas bonne, elle est là, et il suffit de la savoir à portée de main ou de marche. Je l'ai lu alors que j'étais en week-end en Haute-Provence, loin de l'université mangeuse d'hommes et de femmes, dans un drôle d'état d'épuisement, qui m'a sans doute rendue plus sensible à ces pensées.

Je devine ce qui l'intéresse : ce sont moins les perceptions de la vue ou de l'ouïe que celles de tous les sens, à commencer par cette mémoire archaïque enfouie au plus profond de notre être depuis l'époque des ours des cavernes, des longues nuits obscures et des feux de camps crépitants.


2 commentaires:

Asphodèle a dit…

J'ai lu du Rick Bass, j'en suis sûre, mais quoi ? C'est presque philosophique ce que tu nous proposes aujourd'hui : l'inné et l'acquis, l'homme et l'animal, et oui, le sujet a évolué mais on se demande si la façon de le traiter n'est pas en train de régresser ! Biises (et je note !). Je vois que tu as aussi une vieille version de François Le Chammpi (retrouvée dans mes cartons), je l'ai commencé mais les LC qui s'enchaînent m'ont fait abandonner (oh pas définitivement je précise ! Par manque de temps surtout et toujours !!^^) :D Ah ! tiens si on se faisait une LC ? c'est le seul George Sand retrouvé dans mes archives cartonnées... Mais tu as déjà commencé et j'en ai trois sur le feu, booouh...

nathalie a dit…

Il a écrit plein d'autres livres (La Vie des pierre, Le LIvre de Yaak, L'ermite, etc.). La 4e de couverture me dit que Doug Peacock qui apparaît dans ce livre est aussi le héros du Gang de la Clef à Molette d'Edward Abbey. Je n'en lis pas beaucoup de ce genre-là, mais je le regrette. Ça m'a fait du bien.