La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 2 avril 2011

La réalité nous trahit toujours ; le mieux, c’est de la devancer et de la trahir avant qu’elle ne nous trahisse.

Javier Cercas, Les Soldats de Salamine, traduit de l’espagnol par Elisabeth Beyer et Aleksandar Grujičić (2001), Arles, Actes Sud, 2002.

  Le livre qui a fait connaître Cercas en France (et en Espagne aussi, je crois). Il se penche sur un épisode de la fin de la guerre civile espagnole. Rafael Sánchez Mazas était écrivain, le fondateur de la Phalange, ses articles ont mené au combat des milliers de jeunes gens. Prisonnier des républicains, il échappe au peloton d’exécution. Un soldat le découvre, terré dans la boue et les buissons. Il le regarde et crie à ses supérieurs qui cherchent le fugitif : « Par ici, il n’y a personne ! » Mazas est sauvé et n'aura de cesse de raconter l'histoire.
  Cercas est frappé par l’anecdote et décide d’enquêter sur les héros, vrais et faux héros de cette histoire, il lit des articles et interroge les mémoires des uns et des autres. Il veut retrouver le soldat pour savoir ce qu’il a pensé à ce moment-là. Nous le suivons dans ses efforts, mois après mois, ses doutes, ses hésitations. Si l’on compare avec Anatomie d’un instant (déjà chroniqué ici), l’effort littéraire est moins accompli. Nous sommes ici dans un récit où tout est vrai. Anatomie d’un instant construit les faits, dresse les parallèles et les hypothèses, met en relief les oppositions entre deux caractères, joue des paradoxes (car le plus grand traître est le seul héros). Ce n’est pas le cas des Soldats de Salamine, livre beaucoup plus classique et attendu dans sa construction.

Cela dit, tous trois étaient si différents que la seule chose qui les unît était à mes yeux leur condition de survivants, cet illusoire supplément de prestige que les protagonistes du présent – toujours coutumier, anodin et sans gloire – confèrent souvent aux protagonistes du passé – toujours exceptionnel, tumultueux et héroïque, puisque nous ne le connaissons qu’à travers le filtre de la mémoire.



Le livre est passionnant, il se lit comme un roman policier. Cercas entremêle les épisodes de sa vie personnelle et ceux du passé, les réflexions sur le héros et sur la guerre. C'est aussi un livre bouleversant qui transmet tous les déchirements de l'Espagne.

Dora Maar, Picasso assis par terre travaillant à Guernica, état VIbis, 1937, photographie, Paris, musée Picasso, cliché RMN.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne lis que des choses très intéressantes sur ce livre qui me tente depuis un moment déjà. Ton billet ne fait que confirmer mon envie de le lire. J'ai déjà noter pas mal de titres sur la guerre d'Espagne mais celui-ci semble s'imposer. (et je crois bien que c'est la première fois que je laisse un message ici, alors bonjour !).

Asphodèle a dit…

J'en ai entendu parler mais je ne pensais pas que ça se lisait aussi...facilement !! Je le note précieusement, merci !

nathalie a dit…

C'est un vrai bon livre, je vous le conseille vraiment.

nathalie a dit…

Et bonsoir Ys ! Bienvenue sur le blog.